Le Droit des affaires des pays membres de la East African Community

Publié le par amani.cirimwamie.over-blog.com

La lettre d'information du Comité des investisseurs français en Afrique (CIAN) de janvier-février 2010 a annoncé que des cabinets d'avocats internationaux avaient été chargés d'élaborer un projet d'unification des droits de l'Ouganda, du Kenya, de la Tanzanie, du Rwanda et du Burundi. Elle ne donnait, cependant, aucune autre information. Notamment, elle ne précisait en rien l'orientation donnée à ce projet qui est appelé à réunir sous un même droit trois pays de Common Law et deux pays de droit civil.
Cette situation fait immédiatement penser à celle du Canada où coexistent ces deux ordres juridiques. Le projet pourrait donc s'en inspirer et transposer le bi-juridisme canadien qui fait tous les jours ses preuves et démontre combien il est viable dans un même ensemble économique. Le Canada est aujourd'hui mis au palmarès des résultats économiques) : il est le pays occidental qui a le mieux résisté à la crise et qui rebondit le mieux. Conclusion : la coexistence des droits civils et de Common Law, leur " interopérabilité ", n'est pas nuisible à la croissance.
Une telle solution, outre qu'elle n'entraînerait pas le risque de voir se multiplier en Afrique des poches de droits concurrents et celui d'ouvrir une ère de rivalité juridique, éviterait que chacun des pays concernés soit amené à renoncer à sa tradition juridique. Créer un droit unifié de toute pièce suppose, en effet, la promulgation d'une législation écrite. Ce serait donc la fin de la Common Law, au sens où elle est le contraire d'un droit écrit, dans les trois pays qui la pratiquent actuellement. Il ne pourrait en être autrement que si la Common Law était purement et simplement étendue au Rwanda et au Burundi, ce qui entraînerait l'abrogation de leur législation écrite existante. La seule évocation de cette perspective fait présager le désordre juridique qui s'ensuivrait dans ces deux contrées qui n'ont de rapport avec le droit occidental qu'à travers la culture juridique civiliste. Une politique de table rase de ce système juridique dénoterait une grande insouciance de la sécurité juridique, pourtant présentée en tout lieu comme une composante de la prospérité économique.
Pour donner ses meilleures chances au Rwanda et au Burundi, il serait opportun, semble-t-il, d'agir en deux temps : d'abord, de recommander à ces pays d'adopter la législation édictée par l'Organisation pour l'harmonisation du droit des affaires en Afrique (OHADA) qui, d'un seul coup, stabiliserait leur droit des affaires et adapterait son contenu aux besoins des affaires d'aujourd'hui, sans provoquer de bouleversement puisqu'il n'en résulterait aucune solution de continuité avec l'ordre juridique civiliste existant ; ensuite, d'organiser la coexistence juridique " à la canadienne " plus haut envisagée pourvu que les échanges économiques entre les cinq pays impliquent un besoin de rapprochement des droits.

Aussi, pour agir raisonnablement, conviendrait-il de commencer par vérifier ce besoin et de s'assurer de savoir si l'avenir économique du Rwanda et du Burundi est du côté de l'Ouganda, du Kenya et de la Tanzanie ou plutôt du côté de la République Démocratique du Congo, pays au potentiel économique considérable avec sa population de 68 millions et, de surcroît, de même culture juridique civiliste, celle de l'OHADA.

Barthélemy MERCADAL

Agrégé des Facultés de droit

Professeur émérite du Conservatoire National des Arts et Métiers

Publié dans Droit Ohada

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